Daphné Bitchatch . Histoires d’Assemblages

Daphne Bitchatch a présenté à la galerie Vallois en mars 2017 la restitution de sa résidence qui s’est déroulée au Centre à Cotonou courant 2016. Artiste et voyageuse Daphné Bitchatch vit et travaille à Paris, poursuivant et se consacrant pleinement à son œuvre depuis 1987. Son univers artistique est imprégné de lecture et d’écriture, de matières, de couches, de fragments d’histoire, de vie et de rencontres qu’elle exprime au son des notes d’une douce poésie.  

Un langage Universel … Séduite par la beauté de l’objet , clous vodoun, gons (petits instruments de musique), matières végétales Daphné Bitchatch choisit d’interpréter, de répondre à la beauté ressentie, invitant ces éléments hautement symboliques à pénétrer son univers pour en restituer quelque chose qui séduit, qui concerne, transcendant leur culture* transformant cet art en « langage universel ». Bien au-delà de la puissance symbolique, il s’agirait d’une suite, autre chose, une nouvelle histoire mettant tous les sens en éveil dès la contemplation de ces sculptures nées, devenues « Sphère – L’œil du cyclope », « Soupirs – Les 7 silences », « Le secret », « Rumeur », « African Queen », « Le Chaos », …

Histoires d’Assemblages Une construction magique se révèle comme une évidence, les assemblages de Daphné Bitchatch n’évoquent pas seulement leur source d’inspiration, l’œuvre est devenue multiple et son âme nouvelle.  L’artiste a provoqué ce détournement, honorant ainsi autrement avec une élégance de formes. Une énergie vitale qui lui permet d’atteindre la maitrise de l’harmonie, au-delà et dans une esthétique parfaite ; un clin d’œil assumé au ready-made et à l’arte povera qui valide et met en lumière ces assemblages devenus œuvre d’art.  L’intervention règne dans son omniprésense, on s’en abreuve, on s’en nourrit, sans être rassasié, ne pouvant tout avoir découvert.  Une présence partout, ailleurs, ici et là-bas, dans cet art du maniement partant de la matière, transitant par l’objet et la forme, garantissant la force de l’émotion.  C’était il y a une dizaine d’années, à l’issue d’une rencontre-confrontation avec un piano destiné à la casse que l’art et l’univers de création de Daphné Bitchatch ont été investis par un besoin d’anatomiser, déconstruire et en écrire une autre lecture, provoquant une écoute et un regard nouveaux.  Artiste dans sa raison d’être ou dans toute la raison de son être, subtile, douce et sauvage à la fois, Daphné Bitchatch évoque aussi dans la puissance de sa peinture un certain silence, une certaine solitude pour consacrer à ses sculptures une évocation aux bavardages incessants, dans une mise en scène sublimée d’éléments, atteignant un équilibre parfait.

Empreintes, mémoire, matière et paysage … Séduite par le travail de ferronnerie découvert sur les marchés de Cotonou, par la beauté intrinsèque d’un certain artisanat composé de clous, de gons,  d’assins, ou de serpents répondant à la symbolique du fétiche, elle approfondira au cours de sa résidence ses recherches bien accompagnée par le livre de Felwine Sarr « Afrotopia »** parcourant aussi le Musée de la Récade installé dans l’espace du Centre pour faire émerger ses sculptures nouvellement initiées.  Daphné Bitchatch converse et s’exprime en créant une oeuvre nouvelle dont sont empreints les secrets de la vie, du temps, mêlant intimement les interprétations symboliques et sa propre lecture dans un incessant dialogue avec l’autre.

Artiste d’ici et d’ailleurs, énergie vitale … Attachée au Bénin, Daphné Bitchatch  y a rencontré une énergie de création assez unique, intense et généreuse. Son inspiration transcende terres et frontières, ne cessant de se complaire naturellement dans le voyage et dans la quête, s’exerçant à faire escale pour travailler en différents pays, le Mali ou elle a créé un fonds au sein d’une bibliothèque, la Russie dont elle est originaire par son grand-père, l’Azerbaïdjan, l’Allemagne, le Japon …  Depuis plusieurs années, tentant d’écouter au plus proche ces empreintes laissées dans sa mémoire, suivant les paysages traversés, et les êtres rencontrés, Daphné Bitchatch « aime à lier, différentes matières, inventer, créer ainsi à travers les voyages et ces nombreux gestes recueillis, un ensemble des mondes, un « Tout Monde » comme l’écrivait Edouard Glissant ».

Sandra Agbessi